QUELQUES TEXTES ECRITS CET APRES-MIDI LA
Première consigne :
Après un échange autour du texte "Ces gens-là" de Jacques Brel, afin d'en observer la forme et les effets, chacun a choisi une photo de groupe, et a écrit un texte en s'inspirant plus ou moins des outils stylistiques mis en évidence.
D'abord, il y a le prof de lettres
Qui connaît Hugo et Baudelaire
Qui parle en vers
Et qui cite Voltaire.
Jamais sans son livre
Il parle à l'assemblée
Comme à des demeurés.
Mais quand il écrit, sans rature et très vite
C'est vrai que ça vit
On en reste bouche bée, puis on applaudit
Et tous autour de la table l'envient.
Il faut croire, Messieurs Dames, qu'en atelier d'écriture,
il faut être érudit.
Puis il y a le poète maudit
Tout aussi savant mais qui l'étale moins
Qui rime mais qui rame
Et qui rame encore
Qui sue à grosses gouttes
Qui se donne du mal
Mais jamais n'abandonne.
Et quand il nous donne
Le fruit de tant de peine
Qu'il nous lit son poème
C'est peu dire qu'on aime.
Il faut croire, Messieurs Dames, qu'en atelier d'écriture,
il en faut des efforts et des larmes.
Puis y a l'ado de service
Qui n'en a rien à battre
Qu'aimerait mieux être ailleurs
Qui soupire son malheur
Qui passe la première heure
A scruter, à bailler
Avant de se dire enfin "et si j'y allais ?"
Et quand il se lève
Pour nous déclamer les lignes
Qu'en vitesse il a griffonnées
On est tous subjugués.
Il faut croire, Messieurs Dames, qu'en atelier d'écriture,
faut compter sur la spontanéité.
Enfin il y a moi
Qui réfléchit beaucoup
Qui tourne sept fois dans ma bouche
Mon crayon à la mine sèche
Qui regarde les autres pisser la copie
Avant de me grouiller et de pondre
Trois phrases, vite fait, on n'est pas payé au mot.
Et quand le temps vient de partager,
Qui bredouille, écorche et tue dans l'oeuf
D'un texte digne de ce nom la promesse,
le brouillon.
Il faut croire, Messieurs Dames, qu'en atelier d'écriture,
y a pas grand chose à faire que de se laisser aller !
RP
Ces jeunes là
Viviane, la bonne hôtesse, accueille en sa cuisine
Huit jeunes lycéens , internes à Racine.
Elle prépare des gâteaux, console les chagrins
Et entre deux lessives, distribue des câlins.
Elle aime les lupins, son jardin en est plein
Elle aime les bouquets, changés chaque matin
Et chaque samedi, elle attend ses gamins.
Le premier c'est Jacky, Jacky l'indépendant
Sa fierté ? ses cheveux, il les frise et les teint
Pose devant sa glace et se tourne et se mire
Il dit aimer les lettres, la philo, la psycho.
Sa passion ? la photo surtout les animaux.
Il aime qu'on l'admire et qu'on le trouve beau.
Et il y a les deux filles,les deux inséparables,
Toutes deux cheveux longs et même pantalon
Elles lisent des magazines, et surveillent leur ligne
Elles pensent aux garçons, recopient des chansons
Elles sont un peu futiles et parfois libertines
Rêvent au prince charmant et laissent passer le temps
Et puis, il y a Rémi, Rémi n'est pas comme eux,
Il reste dans son coin et s'occupe les mains
De morceaux de ficelle ou de petits dessins
C'est leur souffre douleur mais il rêve en couleur
Il invente des mots qu'il accroche en guirlandes
De longues ribambelles qui dansent sur la lande
Il a ses mots pour rire et ses mots pour crier
Des mots qui sonnent doux et d'autres qui percutent
Des mots pour s'évader et des mots pour les chutes.
HB
D’abord vint Emma
Oiseau chantonnant
Cigale sautillant
Un beau coup de vent
Soudain l’emporta
Mais, bien entendu
Je l’aimais déjà
Rêvant de sa vie
Puis je vis Zoé
Sous un gros cabas
Tout plein de Kapla
Ses maisons en bois
Elle recommençait
Mais bien entendu
Ne partagea pas
Les rêves de sa vie
Vint Nina la Sage
Bien Trop habillée
Par ce bel été
Sa belle poupée
Cachait son visage
Mais bien entendu
Elle ne me vit pas
Toute à sa Barbie
La petite Sabine
Avec ses lunettes
Ses yeux de fauvette
Est toujours en tête
Mais quelle mauvaise mine !
Et bien entendu
Ne m’entendit pas
Toute à ses écrits
Et vint en dernier
La grande Aglaé
Le garçon manqué
Toujours commandait
(Mais nulle en dictée !)
Et bien entendu
Elle me négligea
Donc pour moi… tant pis !
Il est là , au premier rang
Prés des beaux-parents, la main sur l'estomac,
Et la légion d'honneur, à la boutonnière,
Oui, il est là Monsieur le Sous-Préfet
Avec sa moustache au vent, il regarde
Le photographe maladroit sur son escabeau
Poser, paraître, telle est sa mission
Il est l'invité d’honneur avec Madame
Qui, toujours, dans les cérémonies,l'accompagne
Sauf aux convents de la Grande Loge
On doit ignorer ce que tout le monde sait
Sous-préfet en province c'est Premier à Rome
Quelles que soient les circonstance on est l’État.
Et puis il y a à côté de sa fille
Monsieur le Marquis et son canotier
Qui est tiré à quatre épingles
Des courses de chevaux au cercle le mardi
Dépense sans compter les revenus du fermage
Et qui revient au château tout penaud
Demander à Madame la Marquise, son absolution
Et cela fait des années que le manège tourne
Sans soupirs aucun, sans reproches et sans haine
Dans ce milieu on ne se révolte pas : on se soumet.
Et puis il y a les autres,tous les autres
Les fermiers, les économes, Monsieur le Maire
Le curé appelé à une extrême onction
S'est fait représenter par le sacristain
Tous les riches propriétaires, l'apothicaire et le notaire
Le vétérinaire et le médecin flanqués de leur moitié
Les jeunes cousines de la mariée avec leur bouquet
Souffrent dans leur bottines étroites,
Et ne pensent qu'à la pièce montée qui attend au salon.
La messe n'en finissait pas, les chaises étaient dures
Les baises-mains et les révérences incalculables
Le poids de l'Aristocratie est insupportable
Quand on n'a pas encore dix printemps.
L'oncle des colonies qui a pris le bateau
Est venu avec sa nouvelle et belle épouse
Légèrement métissée, on la dissimule,
On n'est pas raciste mais cela n'est pas convenable
Mais le riche tonton d’Afrique même dans le péché
Aura toujours sa place dans le château ancestral.
Et au dernier rang, il y les inconnus, les amis du marié
Qui ne vont pas à la messe et qui boivent de l'absinthe
On les a invités pour calmer le qu'en dira t-on
Tel un troupeau ils sont parqués loin de Satan
Quand on marie sa fille qui a trente ans
Au ciel on demande des accommodements.
Et puis, et puis il y a le château, le château familial
Et dans quel état, Monsieur, dans quel état !
Le dernier orage a encore fait des ravages
La toiture d'ardoise de la chapelle crie son désespoir.
Mais en ce jour de juillet, il fait beau très bon
On est bien sous les grands cèdres du Liban
Le soleil passe à travers les branches séculaires
Le marié, nu tête, le regard angélique rayonne
Oui, il est là mon ami d'enfance Georges Durand
Il épouse ce jour Hortense de Balard de Saint Bres
Lui, le brillant élève de l’École Normale d'Auch
Sorti major de sa promotion et pour cela
Nommé instituteur à Gazaupouy, prés de Condom.
Il a été baptisé, enfant de chœur mais devenu mécréant
Il a abandonné chapelles, sacristies et pèlerinages
Voltaire, Jaurès, Marx et Lenine sont ses nouveaux apôtres
Il ne mangeait pas du curé, mais coassait à son passage
Et détalait en criant « A bas la calotte, à bas la calotte !! »
Comme moi, il vient d'avoir vingt cinq ans
Tous les jours sur la bicyclette achetée avec son pécule,
Il vient se promener sur les terres de Monsieur le Marquis
Par un après-midi d'orage, il fit d'Hortense la connaissance
Et leurs cœurs battirent bientôt à l'unisson
Monsieur de Balard les surprit et chassa le « sans Dieu »
Meurtri et furieux Georges rentra dans sa maison d'école
Le lendemain, à l'épicerie tabac du village, d'un billet de loterie
De la réglisse et de la vache qui rit il se fit acheteur
Georges gagna le Gros Lot, plusieurs millions de francs
La nouvelle se répandit vite dans le canton
La Dépêche, la Petite Gironde envoyèrent des photographes
Georges était devenu riche, trés riche, Crésus lui même
Monsieur le Marquis vint à pied jusqu'à la communale
Et invita, pour le dimanche, l'instituteur public
A la table familiale au château, monument historique.
Bien entendu Hortense, radieuse, était à côté de lui.
Monsieur le Marquis fit visiter tout le château
En insistant sur les égoutiers, les planchers vermoulus
Les poutres branlantes, les chevrons en perdition
Et les colombages dévorés par les pigeons et les tourterelles.
Georges écoutait poliment mais ne pensait qu'a prendre
Dans ces bras la douce Hortense qui bientôt lui sera sienne !
Georges qui n'a jamais été attiré par l'argent, promis tout
Et déclara conserver son beau métier jusque à la retraite.
On fixa le mariage à l'été suivant et aujourd'hui nous y sommes
Georges très amoureux et heureux d'avoir niqué l'aristocratie
Hortense avec un embryon dans son tiroir Louis XV
Monsieur le curé a tout pardonné au vu des resultats de la quête
Le plus heureux de tous est le château, car bientôt il va rajeunir
On reste là, on reste là Monsieur
On profite, on profite Monsieur
C'est si bon , la Paix
Quand elle tombe sur la lutte des classes !
JCM
D'abord, il y a le tonton
Lui qui porte beau le papillon
Lui qu'on appelle Léon
Lui qui a la moustache conquérante
Avec sa bonne mine souriante
Pour qui les femmes sont affriolantes.
Par bonheur, sa Zoélie n'est pas jalouse
Sa dévote et frigide épouse.
Faut vous dire Monsieur
Que chez ces gens-là
On ne baise pas Monsieur
On ne baise pas On dort
Et puis il y a les autres
Avec leur triste gueule d'apôtres
Le cousin Edmond et sa toison
Qu'on dirait un champignon.
Ce benêt de Roger, raide comme un balai
Ce sacré Roger qu'on a fini par caser
Avec Odette la petite couturière
Qui aurait préféré son petit copain Pierre.
Faut vous dire Monsieur
Que chez ces gens-là
On ne sourit pas Monsieur
On ne sourit pas On "artabane"
Et puis Et puis
Il y a la belle Augusta
Celle qui ne me regarde pas
Celle qui sait tout, mais pas de blabla
Augusta qui pourrait crier à Roger
Si elle n'avait peur de scandaliser
En montrant le beau Léon
Léon, le seul le sourire au menton :
"Roger, voici Léon, ton vrai papa !"
Faut vous dire Monsieur
Que chez ces gens-là
On s'occupe pas des autres Monsieur
On s'occupe pas des autres On s'tait !!!
AL
Les Arts à las Oumettes (LALO) est une association loi 1901 dont l'objet est de promouvoir la culture dans son sens le plus large, c’est-à-dire l’action de cultiver tant l’esprit que la terre. Ceci notamment par la pratique et la diffusion des arts et de la littérature, par le développement d’actions de réflexion, de création et de partage autour des enjeux environnementaux. Installée dans le Gers, elle propose depuis 2014 des ateliers d'écriture, des séances de lecture à voix haute, des publications et divers accompagnements et animations littéraires, ainsi que des animations liées à la nature.
6, Saint-Martin de las Oumettes
F 32380 Mauroux